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  • DE 4 ÉCOLOGIE RADICALE
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NOUR EL KAWKABANI

Vestiges en mouvement : réhabilitation de l'héritage olympique oublié de Saint-Nizize du Mucherotte

2025

Tremplin Olympique de Grenoble, Saint-Nizier-du-Moucherotte, 38250, France

Le projet de fin d’études prend place dans les hauteurs de Grenoble, sur le site emblématique du tremplin olympique de Saint-Nizier-du-Moucherotte, vestige des Jeux Olympiques d’hiver de 1968. À près de 1200 mètres d’altitude, ce site, aujourd’hui désaffecté, surplombe la vallée grenobloise avec une majesté silencieuse, témoignant d’une époque révolue et d’une architecture brutaliste puissante.

Le tremplin, sa tour des juges et ses gradins en béton demeurent encore aujourd’hui comme trois entités distinctes et imposantes. Autrefois lieu de performance et de rassemblement international, le site s’est vu peu à peu abandonné, envahi par la nature et reconquis par des pratiques marginales, artistiques ou sportives.

Face aux défis climatiques contemporains et à la crise des grands équipements, ce site soulève de nombreuses questions : Que faire de ces monuments hérités d’un passé sportif héroïque mais obsolète ?

Comment intervenir sans effacer les strates de l’histoire ni figer les usages ?

Comment concilier les mémoires du lieu, les nouvelles pratiques sportives et les enjeux environnementaux ?

Ce projet s’inscrit dans une réflexion plus large sur le devenir des infrastructures sportives post-événement : comment réutiliser l’existant pour éviter la démolition, et surtout, comment redonner une vie pérenne à des objets architecturaux puissants mais déconnectés de la vie contemporaine ?

L’analyse fine du site s’est déroulée en plusieurs temps, d'abord par des relevés photographiques et dessins des trois entités bâties : le tremplin, la tour des juges et les gradins.

Ensuite par la consultation des archives départementales de l’Isère, avec une collecte de documents techniques, photographiques et narratifs sur le chantier, les JO de 1968 et les transformations du site depuis. En second temps une immersion et observation des usages actuels : pratiques informelles (graffiti, escalade sauvage, bivouac, randonnées), appropriation spontanée par les habitants. Et enfin une étude paysagère et topographique : la pente, la forêt, les vues exceptionnelles sur la ville.

Ce travail a permis de dégager une approche sensible du lieu : le site n’est pas mort, il est en transformation lente, réapproprié de manière invisible par ses usagers.

Lors du premier semestre, deux scénarios de projet ont été développés, tous deux explorant des stratégies de réemploi et de revalorisation du bâti existant.

Une première hypothèse consistait à venir gainer la structure du tremplin d’un échafaudage habité, offrant une nouvelle lecture du site. Cette structure légère accueillait des loges-refuges modulaires pour les randonneurs, grimpeurs, artistes et autres usagers du site. L’idée était de proposer un programme discret, réversible, qui vienne dialoguer avec l’existant tout en le révélant. Ce scénario posait la question du rapport entre monumentalité et précarité, entre mémoire et usage.

Le second scénario était plus radical : trancher dans la rampe du tremplin pour en extraire les poteaux en forme de Y et les réutiliser comme une nouvelle ressource constructive. Ces fragments servaient à réactiver un hangar et une ancienne déchetterie plus bas sur le site, pour y implanter une ressourcerie communautaire et une auberge. Ce scénario posait la question du site comme gisement, et proposait une approche plus horizontale, décentralisée.

Au second semestre, ces deux approches ont nourri une proposition finale plus structurée et ambitieuse. Le choix a été fait de travailler les trois objets architecturaux existants comme les trois pôles d’un même projet, reliés par une lecture paysagère, sensible et respectueuse de la topographie.

Le tremplin conserve sa vocation verticale et spectaculaire, mais il est renforcé par une structure métallique apparente. Ce nouvel habillage n'efface pas la structure d’origine : il la soutient et la souligne, créant un système de rails pour accueillir plusieurs pratiques sportives alternatives (saut à ski sur moquette synthétique, vélo, motocross), en dehors du recours à la neige – aujourd’hui incertain à cause du réchauffement climatique.

À la base du tremplin, un centre d’escalade est implanté à l’intérieur de la tour béton, devenue une tour d’escalade verticale. Le programme inclut des vestiaires, un espace de préparation, un atelier de fartage, un espace de repos, et un observatoire en haut de la tour. La façade garde les graffitis existants, trace d’une réappropriation populaire.

Objet architectural singulier, la tour des juges, en porte-à-faux sur la pente, devient un restaurant-belvédère alpin. Sa forme, sa légèreté, son emplacement en font un lieu exceptionnel pour observer Grenoble.

L’intervention propose de désencombrer complètement l’intérieur pour révéler la force du volume, et y aménager un espace de restauration léger, lumineux, ancré dans l’esthétique alpine. Une terrasse en extension souligne l’horizontalité du bâtiment, tandis que le toit-terrasse est conservé comme belvédère public. L’enveloppe est restaurée par un bardage bois brûlé, en clin d’œil à la technique japonaise du shou sugi ban, assurant durabilité et intégration paysagère.

Enfin, les gradins en béton, anciens espaces pour photographes, sont réinvestis comme porte d’entrée du site. Une nouvelle charpente en bois vient s’ancrer sur les portiques béton existants, créant une toiture abritant un office du tourisme, une boutique/location de matériel et un espace de convivialité.

Le niveau -1 accueille une guinguette de montagne, ouverte en toutes saisons. En -2, une infirmerie assure la sécurité des usagers. Les marches sont réactivées par des grillages métalliques et des plateformes en bois, permettant le repos, le pique-nique, l’observation, en s’adaptant à la pente naturelle.

Le tout est inscrit dans une démarche paysagère douce : sol perméable, végétation conservée, mobilier fait de gabions remplis de pierres et débris issus du chantier.

Ce projet cherche à réactiver un site exceptionnel sans le trahir. Il s’agit moins d’effacer ou de surajouter que de révéler, renforcer, activer, en s’appuyant sur l’existant comme matière première. Les trois pôles développés permettent d’aborder le site de manière multiple : sportive, contemplative, touristique.

Par cette démarche, je cherche à démontrer comment l’architecture peut faire lien entre mémoire et usage, entre le passé olympique et les besoins futurs, entre le paysage et l’humain. C’est un projet d’ancrage, mais aussi de relance, un manifeste pour une architecture du déjà-là, sensible, patiente et engagée.

Le Tremplin : Pôle Sportif et Spectaculaire. Sa structure est renforcée pour accueillir des sports alternatifs (ski sur synthétique, vélo), s'affranchissant du manque de neige. Sa base devient un centre d'escalade vertical, conservant les graffitis comme traces de son appropriation populaire.

La Tour des Juges : Pôle Contemplatif. Elle est transformée en un restaurant-belvédère alpin léger et lumineux, avec une terrasse publique offrant une vue exceptionnelle sur Grenoble.

Les Gradins : Pôle d'Accueil. Réinvestis, ils deviennent la porte d'entrée du site. Une nouvelle charpente en bois abrite un office du tourisme, une boutique et une guinguette de montagne.

Ce projet se veut un manifeste pour une architecture du "déjà-là", reliant la mémoire olympique aux besoins futurs par une démarche sensible et paysagère