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  • S9-P4 Projet achitectural et urbain

DE 1 : Architecture et matière - Francisco Mangado et Anna Maria Bordas

Semestre 9

Enseignant(s) : Anna Maria Bordas, Francisco Mangado, Iari Agez

  • Année : 5
  • Semestre : 9
  • E.C.T.S : 14
  • Coefficient : 6,00
  • Compensable : oui
  • Stage : non
  • Session de rattrapage : non
  • Mode : option
  • Affilié à un groupe : non

Objectifs pédagogiques

Nous proposons de travailler sur la construction d’un musée à Caceres, une ville dans le sud de l’Espagne avec un casque ancien très puissant étant classé à l’UNESCO.

Le musée devra abriter une collection de instruments africans et de céramique.

Ce programme sera l’occasion d’explorer :

- Travailler la morphologie en lien avec le climat: protection solaire, rafraichissement

- Penser l’architecture avec le paysage et contexte

- Fabriquer des interstices, travailler la tension entre le vide et la structure

- Pousser la matière dans ses limites, penser l’espace à partir de la matière

- Problématiser, dessiner, réfléchir

 

Présentation pdf du projet : www.calameo.com/read/000860865694d4a5a5361

 

Voici le lien de la conférence que Francisco avait fait à l'ENSAPVS ainsi que un lien pour une conférence au Polimi de Milano.

www.youtube.com/watch

www.youtube.com/watch

Contenu

Extrait de la lettre aux étudiants en école d'architecture publié par F. Mangado

 

Enseigner dans un nouveau établissement c’est toujours une opportunité pour se questionner sur les enjeux contemporains mais aussi sur l’état de la discipline. Dans les quelques lignes ci-dessous je vais traiter d’énoncer quelques situations actuelles qui me semblent doivent être au centre du débat aujourd’hui et que j’aimerai utiliser comme levier de discussion avec les étudiants mais aussi avec le corps enseignant qui m’accueillera.

 

Sommes-nous en train d’assister à un monde où le manque d’espoir et d’aspiration est la principale caractéristique ? À un monde où seule la loi du marché est la référence suprême ? Nous communiquons en permanence, mais nous ne prenons pas le temps de penser au temps que nous voulons créer. Est-ce que tout est faible et superficiel ? Est-ce qu’ils n’existent pas de loyautés et l’architecture est le reflet de ce temps ? Ne sommes-nous pas en train de créer une architecture où le paraître est plus important que l’être?

 

C’est dans ce contexte défini par ces préoccupations qu’évolue mon architecture qui, disons-le tout de suite, prétend n’être autre qu’une réponse personnelle à un monde particulier défini par les questions qui m’intéressent et qui me préoccupent. Ces bonnes réflexions ne sont autres que ma seule manière de faire, de penser et d’enseigner l’architecture, naturellement peuplée de contradictions, de doutes. Je vais essayer de mentionner brièvement à quelque question qui me préoccupe en ce moment.

 

1. Je crois en l’architecture qui va plus loin que la simple préoccupation de l’image dérivée du marché. Durant ces dernières années, peut-être comme conséquence d’une société qui présente comme grande valeur la fin des idéologies et le triomphe du marché, nous les architectes nous avons trop confondu l’architecture et le simple objet architectonique. Un objet architectonique développé dans le laboratoire et dépourvu de références, plus préoccupé par son image extérieur, par sa capacité à surprendre, que par ses contenus. Nous ne devons pas oublier que l’architecture sert à une société, naît dans un contexte et dans un temps. C’est pourquoi, l’architecture va plus loin que l’objet autonome, elle est plus complexe et riche et elle ne doit jamais oublier son composant idéologique. C’est grâce à cette seule conviction qui revendique la nécessité d’une architecture basée sur des contenus que je peux exercer mon travail. Je crois qu’on doit surpasser toute la calligraphie superficielle qui a abondé dans les objets architectoniques durant ces dernières années. La forme dans l’architecture ne peut seulement se comprendre que comme sujet de contenus. La calligraphie n’est seulement qu’une apparence.

 

2. Je crois que l’architecture doit avoir une dimension éthique qui a sans cesse de diriger nos travaux. L´éthique entendue dans une dimension sociale et personnelle. Nous, les architectes, nous devons nous demander au sujet de la signification de ce que nous faisons et à ce que nous servons. Et je ne prétends donc pas que l’idée que l’architecture est avant tout une discipline de services. L’architecture et son exercice est le service. Mais le service n´est pas de servilité. En d’autres termes, je ne crois pas dans l’architecture comme un simple reflet de la société à laquelle sert. Qu’est ce que la société nous demande jusqu’à aujourd’hui? production ou spectacle. Mon idée de service est en rapport avec une certaine idée de la transgression. De donner plus de ce que la société nous exige. Pour cela nous avons besoin de récupérer, comme je le disais au début, de surmonter l’idée que l’architecture n´est que de faire plus ou moins beaux objets, c´est la volonté de fournir un contenu. Des idées.

 

3. L’architecture doit redéfinir le sens de l’interdisciplinarité. La relation disciplinaire entre l’architecture et les autres disciplines et les réalités est un fait. Ça s’est toujours produit tout au long de l’histoire. L’architecture en tant que discipline sociale et de service, implique une curiosité intellectuelle. Cette curiosité, ce besoin de se poser des questions, est une condition requise préalable pour faire de l’architecture. Cependant de nos jours, peut-être comme conséquence d’une dissolution des principes, on a compris la relation interdisciplinaire comme une dissolution ou une quasi-disparition de la discipline architectonique. Je m’intéresse seulement à une relation interdisciplinaire qui contribue à améliorer la réponse architectonique à partir de la considération et de l’affirmation de notre discipline. L’architecture et nous les architectes nous devons continuer d’être ceux qui prennent les décisions finales au sujet du programme, de la relation avec le lieu, de l’espace ou des processus de matérialisation du projet, d´entre autres, sont toujours un trivial objet de notre travail. D’après seulement cette croyance, et sans renoncer à nos fondements, admettant les différentes manières de faire face au projet d’architecture, nous pouvons comprendre une relation interdisciplinaire positive et non dissolutive. C’est pourquoi je défends une conception généraliste de l’architecture d’après la conviction de l’existence d’une discipline spécifique.

 

4. Depuis ces dernières années, on a trop utilisé le terme spéculation dans l’architecture en référence à l’exercice intellectuel de l’architecture. Je préfère parler aux élèves d’investigation comme quelque chose d’opposée à la spéculation. Souvent, derrière ce concept de spéculation il n’y a pas eu de développement, à part une architecture d’image, facile et immédiate. Une architecture qui est la conséquence de l’assomption immédiate d’une série d’images et de processus géométriques faciles et répétés qui, divulgués de façon profuse, avec à coup sûr des dates de péremption. L’investigation par contre, implique une connaissance et une rigueur des contenus. Superficialité ou densité, c’est ça l’alternative. Les élèves doivent fondamentalement comprendre qu’ils ont le droit de se tromper, qu’ils doivent aller plus loin et en assumer le risque, mais que ce risque doit être illustré, faire l’issu d’une connaissance sérieuse et non du fait de réduire l’architecture à une pure apparence ou à une pure image.

 

5. Je ne m’intéresse pas trop au besoin d’une identité. L’identité me semble synonyme de recherche d’une image, d’un code qui se répète indépendamment du problème et du lieu à laquelle l’architecture doit faire face. Je préfère parler d’une unité conceptuelle comme une chose qui, démontrant quelles sont les préoccupations et la manière de faire de chaque architecture, donnant de sens à une architecture spécifique, offre néanmoins un mécanisme de travail capable de comprendre les différences de chaque problème ou de chaque lieu.

 

6. Je crois en la recherche de la beauté dans l’architecture. Mais cette beauté je ne l’entends pas uniquement dans des termes sensoriels, je l’entends liée aux contenus, et même plus, à une dimension éthique de l’architecture. Le processus de progrès consiste précisément à substituer les certitudes de la jeunesse, sensorielles et intuitives, par des questions en rapport avec les contenus et les valeurs de ce que nous faisons. C’est pour cela que, je vous l’avoue, j’ai chaque fois plus de doutes et il me résulte très difficile de faire une architecture qui me fasse sentir convaincu.

 

7. Une remarque au sujet de la responsabilité de l´architecture sur le moyen qui l’entoure et en particulier avec l’environnement. J’ai toujours pensé que la relation entre les moyens utilisés dans un projet et les objectifs réussis, devait être adéquate. Ceci est pour moi un concept qui me rapproche de mon idée de la beauté. C’est pour cela que je crois que pour répondre à une société qui ne peut pas se permettre de gaspiller des moyens, ce dont on a besoin c’est de plus de responsabilité. Mais responsabilité est dans ce cas précis synonyme de plus d’intelligence architectonique. C’est pourquoi, face aux autres idées qui défendent l’apport de moyens techniques extraordinaires, des nouvelles technologies chaque fois plus sophistiquées, ou pire encore, celles qui prétendent développer une sorte de style environnementaliste, je réclame simplement plus d’architecture, plus d’intelligence, plus de connaissance.

 

8. On ne peut pas imiter la nature et nous ne pouvons pas non plus avoir une relation de complexe en rapport avec elle. C’est pour cela que je ne m’intéresse pas beaucoup à tous ceux qui rendent public l’assomption d’une architecture dont l’objectif est de disparaître dans celle-ci. La ville et les bâtiments qui ce sont le mieux mis en relation avec la nature sont le fruit de la pensée la plus abstraite et, parlant d’une activité humaine, la plus naturelle. Je défends donc une architecture qui comprend la respectueuse relation avec la nature du point de vue de l’exercice abstrait et artificiel de l’architecture. Ce n’est pas pour cela qu’elle est moins respectueuse avec la nature.

 

9. Ainsi, je m’intéresse surtout et fondamentalement à l’espace public et à la capacité que celui-ci a d’établir des relations entre les différentes architectures. Les relations établies à partir de la considération et la mise en valeur de l’espace public est toujours, à mon sens, au dessus de l’objet, puisque ce sont ces relations qui pourvoient l’architecture d’une dimension citadine, d’une dimension constructrice de ville et d’une authentique valeur.

 

10. Si vous me permettez, je vous indiquerai quels sont les trois principaux points qui, appartenant strictement au corps disciplinaire, je pense qu’ils devraient être présents dans toute bonne réponse architecturale. Le premier a quelque chose à voir avec le lieu et la relation avec celui-ci. Un lieu n’est pas seulement physique, il est aussi idéologiquement actif. Autant un lieu qu’on imagine qu’un lieu qui existe. Autant un lieu qu’on désire qu’un lieu qu’on transforme. Le deuxième a quelque chose à voir avec l’espace et de manière plus particulière avec la relation entre l’espace privé et l’espace public. Les morceaux d’espace et les relations entre le public et le privé, les relations physiques et visuelles, ont produit quelques un des moments les plus fructueux de l’histoire de l’architecture. Pour finir, la matérialisation, les matériaux et ses techniques, ses capacités d’exprimer une idée et sa valeur pour être construits, condensent, sans doute, quelques unes des réflexions les plus intéressantes du moment.

 

11. En termes instrumentaux, comme je l’ai déjà indiqué précédemment, je préfère penser aux sections et aux étages des bâtiments, avec les maquettes qu’à leurs images elles-mêmes. L’espace intérieur, aujourd’hui tellement abandonné, et la relation de celui-ci avec l’extérieur, avec l’espace public, peut aussi être compris dans des termes structurels et pas seulement dans l’apparence.

 

12. J’aime penser que j’ai tout le temps de faire de l’architecture, même si ce n’est pas vrai. Le temps pour la faire et le temps pour en profiter d’elle. Le temps est le matériel le plus important, pour faire de l’architecture. Pour la penser, pour la construire et aussi pour en profiter. Je ne connais encore aucun bon bâtiment qui ne s’améliore pas avec le temps, et cependant, je connais beaucoup de bâtiments, ayant apparemment beaucoup de succès qui ne supportent pas le passage du temps. Et je ne fais pas seulement référence au sens constructif mais aussi au sens idéologique, pourtant architectonique.

 

Pour conclure, j’aimerais dire aux étudiants que nous sommes, heureusement, face à une discipline riche et intéressante. Jamais nous n’avons eu autant de possibilités pour faire de l’architecture. Jamais, surement, autant de jeunes architectes si bons et si bien préparés. Pour cela vous devez être plus exigeants et sélectifs. Ne réduisez pas l’architecture seulement à l’expérimentation graphique. Notre profession requiert de la recherche, de la rigueur, des risques et de l’espoir. Soyez optimistes parce qu’il est possible de faire une architecture avec de l’intensité. Vous avez une responsabilité et vous vous retrouverez dans des moments difficiles, spécialement quand vous vous soulèverez face au déjà connu, à ce qui est facile, et voudrez aller plus loin. Faites-le, parce que vous vous amuserez.

Travaux

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