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  • S7-S2 Séminaires 2

DE 1 : Architecture, ordre ouvert et tectonique - E. Sarrazin, C. Faivre-Aublin, S. Clavé

Semestre 7

Enseignant(s) : Cyrille Faivre-Aublin, Emmanuelle Sarrazin, Serge Clave

  • Année : 4
  • Semestre : 7
  • E.C.T.S : 7
  • Coefficient : 8,00
  • Compensable : oui
  • Stage : non
  • Session de rattrapage : oui
  • Mode : option
  • Affilié à un groupe : non

Objectifs pédagogiques

ESPACE ET TECTONIQUE.

L’architecture et l’expérience des limites.

 

« C’est comme cela qu’on devrait apprendre la construction dans les écoles :

non pas selon la construction analytique des ingénieurs, mais à partir des éléments de l’architecture.

Évidemment, on peut parler du mur ou du voile de béton, ou de je ne sais quoi, mais il faut en parler comme de syntagmes formels. »

Bernard Huet, Sur un état de la théorie de l’architecture au XXè siècle, 2003.

 

Objectif pédagogique :

Le séminaire aborde quelques positions manifestes de la pensée architecturale du XXè siècle et du XXIè siècle, et élaborera une réflexion et une recherche sur les concepts qui leur correspondent. Ceci sous l’angle de la tectonique, c’est-à-dire de la poétique de la construction, qui n’est pas simplement la technique de construction mais ressort de son potentiel d’expression dans la fabrication d’espace.

L’apprentissage d’un savoir-faire ne peut se dissocier de l’élaboration d’une forme de pensée.

La question du rapport entre la tectonique et la spatialité sera abordée sous l’angle des limites aussi bien matérielles, spatiales et disciplinaires que ce rapport implique.

Il est question de développer et d’approfondir une connaissance sur la relation qui existe entre la qualité spatiale d’un édifice et sa conception du point de vue de sa structure et des matériaux mis en oeuvre, et d’en envisager la genèse. C'est une transformation de la matière, un devenir-espace de la matière.

Il s’agit en somme de développer une pensée expérimentale (scientifique ou artistique), et de remédier ainsi à une caractéristique de la pensée architecturale, surtout française, qui derrière la distinction entre «théorie/ doctrine », entérine la coupure entre théorie et pratique.

 

La tectonique est liée à l'art de la fabrication. L'édifice est à considérer comme produit de l'interrelation constante entre trois facteurs convergents: le topos (topographie), le typos (type) et la tectonique.

Contenu

PROBLÉMATIQUE.

Limite.

Le problème de la limite permet d’envisager diverses réponses au même problème ayant été l’invention majeure de la modernité: la destruction, l’effacement des limites spatiales et territoriales préexistantes, autrefois sources de stabilité. Et leur réinvention selon une nouvelle dialectique construction-matérialité et espace-forme.

Chacune de ces réponses propose une re-configuration de ces limites, et à chaque fois s’inscrit dans un courant de pensée, en se manifestant dans des œuvres et des recherches ayant traversé la Modernité.

Comme le dit Kenneth Frampton dans Studies in Tectonic Culture (MIT Press, 1995), la focalisation des architectes modernes sur la notion d’espace ne doit pas nous faire oublier que la plupart des architectes marquants du XXè siècle ont déployé une philosophie de la construction et de la matérialité parallèlement à leur pensée de l’espace et de la forme. C’est donc une dialectique de l’espace et de la construction qui sera envisagée ici, à partir de cas d’étude (corpus architectural) et de thématiques précises.

Il s’agit donc de partir d’affirmations singulières et de saisir l’interrogation qu’elles portent, remettant en cause tous les déterminismes extérieurs acceptés auparavant comme données objectives, et amenant chaque acteur à épuiser les limites du réel (la question de l’utopie peut alors être posée).

 

Rappel: le terme architecture est issu du grec arké 'chef, principe' et tecton, qui veut dire 'couvrir' et qui a donné 'toicture' en ancien français, devenu 'toiture'; l'architecture désigne donc à l'origine l'art de clôre et de couvrir des lieux, et l'architecte celui qui dirige cette opération.

Il s'agit tout d'abord d'établir la distinction entre 'structure', 'construction' et 'tectonique'.

Puis d'envisager le rapport espace-structure, à propos de la trinité vitruvienne : firmitas, comoditas, venustas.

L’articulation entre ces trois catégories, c’est-à-dire entre solidité, usage, et forme, est un critère pour comprendre la spécificité doctrinale de chaque époque de l’histoire de l’architecture.

L’innovation principale du XXème siècle, c’est de pouvoir penser comme des catégories séparées la structure, la fonction et la forme. C’est une « Conquête de la liberté » (Bernard Huet) : s’affranchir d’un de ces éléments, ou bien trouver un fil conducteur, un ordre chronologique entre les 3 catégories dans le développement du projet (les pré-modernes se l’interdisent, pensent d’emblée la totalité).

 

Il y a tectonique lorsque un rapport direct entre forme et force trouve son expression...

Les trois grandes familles de rapport moderne entre espace et structure seront un fil conducteur.

Raumplan (Loos), Plan libre (Le Corbusier, Mies) et Espace de la Structure (Kahn) ont à chaque fois une action sur les limites entre les 2 familles tectoniques selon Frampton: Earthwork / Roofwork, travail du sol/ travail de la couverture.

Et selon Gottfried Semper, dans sa matrice à 4 éléments fondamentaux de l'architecture, il y a de multiples relations qui s'établissent entre la tectonique (toiture), la stéréométrie (le terre-plein), l'éthique du foyer ('1er élément moral') et l'art textile de la clôture (paroi ou mur) avec son esthétique de l'ornement.

Actions:

1. porter : gravité, descente des charges/ légèreté, soulèvement des volumes ;

2. toucher le sol : en surface/ linéairement/ ponctuellement : socle, dalle, murs, pilotis, pont ;

3. éclairer : ouvrir le volume, espacer, construire l’entre-deux, capter, conduire et réfléchir la lumière ;

4. franchir / partitionner : mesurer, moduler, subdiviser/ vs.additionner, soustraire ;

5. matérialiser : matériaux, peau, densité.

 

 

THÉMATIQUES, SÉANCES:

1. Rapports figure/fond, vide/plein, espace/masse, et leur réversibilité : Louis Kahn, Peter Zumthor, frères Aires Mateus, Livio Vacchini, Silvia Gmürr.

2. Gottfried Semper, « L’origine textile de l’Architecture », qui mène au Raum Plan et à la « Swiss Box », par exemple Herzog et De Meuron.

3. Textile, tissu, agrégation : Team Ten, A.Van Eyck : l’échelle intermédiaire : « un seuil, c’est la zone de la plage entre la vague et le sable sec » ; et Team 10 : l’identification des lieux, le voisinage, formation de « milieux », les « nappes ». S. Woods et sa trilogie réseau, grappe et épine dorsale (web, cluster et stem);

4. « La forme forte », selon Martin Steinmann, et son inscription matérielle.

5. Trois archétypes originels : la grotte, la cabane, la tente nomade, qui donnent 3 éléments tectoniques : le mur, la colonne/poutre, le textile/noeuds

6. Le Corbusier : le « plan libre » (5 points de l’architecture moderne), confronté à: « Un sol, c’est un mur mis à l’horizontale » (in Vers une architecture, 1923) ; d’autre part, « Le dehors est un dedans », et Mies van der Rohe : l’infini dans l’espace contenu : de « Less is more » à « Satisfaire à la loi pour conquérir la liberté » (1950) : la question de l’économie, de l’ordre et de la liberté ;

7. Louis Kahn: « Material is spent Light », confronté à L’épuisé, G. Deleuze (postface à S. Beckett, Quad) , 1992, et à G. Bataille, La part maudite, 1949 : la notion de dépense, d’épuisement (« spent ») ;

8. Luigi Snozzi : « la responsabilité territoriale du projet architectural » ; la « Tendenza » (Rossi, Gregotti) et le « Régionalisme critique » (Frampton) : réinscription des limites foncières, réinterprétation du parcellaire ;

9. Alvaro Siza : Restaurant Boa Nova et piscine Leiça da Palmera, Matosinhos: inscription dans le site, révélation du paysage, horizon (Laurent Beaudouin)

10. Francesco Venezia ; Gibelina, Sicile, théâtre, musée, le mur, le sol, la faille (Laurent Baudouin)

11. Rem Koolhaas : « XL » ( de S,M,L,XL) et « La terrifiante beauté du XXè siècle » : La ville générique.

12. Gilbert Simondon, Du mode d'existence des objets techniques, vs. Heidegger, La question de la technique (Bruno Paradis).

 

MÉTHODOLOGIE:

Les interventions seront réparties entre des cours-exposés de problématique pour 1/3 du temps, et des séances de séminaire pour les 2/3. Le nombre d’étudiants ne dépassera pas 24, afin d’organiser le travail sous forme de table ronde.

Les textes, images ou projets soumis à l’analyse au cours de ce séminaire seront issus d’un travail d’écriture-lecture produit autant par les étudiants que par les enseignants et intervenants invités (« work in progress »).

« S’agit-il d’un lieu réel ou d’un lieu fictif ? Ni l’un ni l’autre. Une institution est traitée sur le mode utopique : je trace un espace et je l’appelle : séminaire. (…) Ainsi, nulle caution de la réalité, mais aussi nulle gratuité de l’anecdote. On pourrait dire les choses autrement : que le séminaire (réel) est pour moi l’objet d’un (léger) délire, et que je suis, à la lettre, amoureux de cet objet. »

Roland Barthes, « Au séminaire ».

 

Cours de méthodologie sur la recherche: confrontation du livre Guide pour la rédaction du mémoire en architecture, par Thierry Verdier.

 

 

LA NÉCESSITÉ DU PROJET.

Le projet d’architecture est l’acte majeur par lequel l’architecte concourt à toute civilisation. C’est une action pensée de transformation du territoire et de ses usages, à partir d’un état du monde que le projet dresse et contribue à clarifier. Nous proposons d’aborder le projet architectural par la pratique théorique du projet, ou la “progettazione” (mot italien sans réelle traduction française) comme mode opératoire et de pensée.

C’est une pratique productrice de connaissance, s’appuyant à la fois sur des positions théoriques et des données empiriques qui, à leur tour, peuvent déboucher sur de nouvelles questions théoriques. Le projet architectural est ce par quoi l’architecte pense et agit. L’architectonique en est l’articulation avec la technique, ce par quoi un espace prend une consistance matérielle.

Travaux

Un mémoire personnel sera élaboré. C'est un galop d'essai (10-20 pages) pour le mémoire final de Master 2.

L'objet est de construire une problématique, singulière et pertinente.

La forme de ce mémoire est à rechercher, pour que ce soit un travail d'architecture, et non sur l'architecture , ni autour de l'architecture. Un travail graphique et en maquette sera fondamentalement inhérent à ce travail. La mise en page est un travail d'architecture (rappel).

Bibliographie

-Philippe BECK, -Contre un Boileau. Un art poétique, éd. Fayard, coll. Ouvertures, 2015,

-Opéradiques, éd. Flammarion, Collection Poésie, 2014,

-Chants populaires, éd. Flammarion, Collection Poésie, 2007.

-Pierre BOULEZ, Par volonté et par hasard, entretiens avec Célestin Deliège, éd du Seuil, 1975

-Alberto CAMPO-BAEZA, La idea construida, Penser l’architecture, éd. l’Espérou, Montpellier, 2010.

-Peter COLLINS, L’architecture moderne, principes et mutations (1750-1950), éd. Parenthèses, Collection Eupalinos, Marseille, 2009.

-Alan COLQUHOUN, Recueil d’essais critiques, architecture moderne et changement historique, Pierre Mardaga éditeur, Bruxelles, 1985.

-Jean-Pierre CHUPIN et Cyrille SIMONNET (sous la direction de), Le projet tectonique (intro. De K. FRAMPTON), éd. Infolio, Gollion, 2005.

-Andrea DEPLAZES (Dir.), Construire l'Architecture. Du matériau brut à l'édifice (un manuel), Birkhäuser Verlag, Basel-Boston-Berlin, 2008.

-Gilles DELEUZE, -Dialogues (avec Claire PARNET), éd. Flammarion, Paris, 1977

-Le pli. Leibniz et le Baroque, éd. De Minuit, Paris, 1988.

-Philippe DESCOLA, Par-delà nature et culture, éd. Gallimard, « Bibliothèque des sciences humaines », Paris, 2005

-Konrad FIEDLER, Essais sur l’art, éd. de l’Imprimeur, Paris, 2002

-Henri FOCILLON, Vie des formes, Quadrige, PUF, Paris, 1943

-Kenneth FRAMPTON, Studies in Tectonic Culture, MIT Press, Cambridge (Ma), 1995.

-Roberto GARGIANI (sous la direction de-), L’architrave, le plancher, la plate-forme. Nouvelle histoire de la construction, éd. PPUR, Lausanne, 2012.

-Jean-Louis GIOVANNONI, -Ce lieu que les pierres regardent, suivi de L’invention de l’espace, éd. Lettres Vives, coll. Terre de Poésie, 2009

-L’immobile est un geste. On naît et disparaît à même l’espace, éd. Unes, 1990

-Nelson GOODMAN, -Langages de l’art (approche de la théorie des symboles), éd. Jacqueline Chambon, 1990, Arthème Fayard/Pluriel, 2011

-L’art en théorie et en action, éd. de l’Éclat, 1996, Gallimard Folio, 2009

-Moïssei GUINZBOURG, -Le rythme en architecture, éd. inFolio, Gollion, 2010 (éd. Originale, 1923)

-Le style et l’époque, éd. inFolio, Gollion, 2013 (éd. Originale, 1924)

-HERZOG et DE MEURON, Histoire naturelle, Centre Canadien d’Architecture, Lars Müller Publishers, Baden, 2002

-Tim INGOLD, Une brève histoire des lignes, éd. Zones Sensibles, Paris, 2011

-Paul KLEE, Théorie de l’art moderne, éd. Denoël, Paris, 1964

-August E. KOMENDANT, 18 années avec Louis I. Kahn, éd. du Linteau, Paris, 2006.

-Jacques LUCAN, -Composition, non-composition. Architecture et théories, XIXè-XXè siècles, PPUR, Lausanne, 2009,

-« Hypothèse pour une spatialité texturée », in Matières, n°9, 2008, PPUR, 2008

-Henri MALDINEY, Regard, Parole, Espace, éd. L'Age d'Homme, Lausanne, 1973

en particulier: -« l'esthétique des rythmes », p.147-172

-« l'Art et le pouvoir du Fond », p.173-207

-« l'équivoque de l'image dans la peinture », p.211-253

-Pierre von MEISS, De la forme au lieu + de la tectonique, une introduction à l’étude de l’architecture, Presses Polytechniques et Universitaires Romandes (PPUR), Lausanne, 1986-2012.

-Patrick MESTELAN, L’ordre et la règle, PPUR, Lausanne, 2005.

-Rafael MONEO, Intranquilité théorique et stratégie du projet dans l’œuvre de 8 architectes contemporains, éd. Parenthèses, Marseille, 2013.

-Jean-Luc NANCY, -Au fond des images, éd. Galilée, Paris, 2003

-La Communauté désavouée, éd. Galilée, Paris, 2014

-Virginie PICON-LEFEBVRE, Cyrille SIMONNET, Les architectes et la construction, éd. Techniques et Architecture, Altédia Communication, Paris, 1994 (réédit° 2015).

-Jean-François PIRSON, La structure et l’objet (essais, expériences et rapprochements), éd. Pierre Mardage, Bruxelles, 1984.

-John RAJCHMAN, Constructions, Préface de Paul VIRILIO, Cahiers de l’Unebévue, Paris, 2002

-Jacques RANCIÈRE, -Le maître ignorant, éd. Fayard, 10/18, Paris, 1987,

-Le partage du sensible. Esthétique et politique, La fabrique, Paris, 2000.

-Malaise dans l’esthétique, éd. Galilée, Paris, 2004.

-Les écarts du cinéma, éd. La fabrique, Paris, 2011.

-Aisthesis, Scènes du régime esthétique de l’art, éd. Galilée, Paris, 2011.

-Denis RIOUT, Qu’est-ce que l’art moderne ?, éd. Gallimard, Folio essais, Paris, 2000.-

-Georges ROQUE, Qu’est-ce que l’art abstrait ?, éd. Gallimard, Paris, Folio essais, 2003.

-Mario SALVADORI, Comment ça tient ?, éd. Parenthèses, Collection Eupalinos, Marseille, 2005.

-Eduard SEKLER, « Structure, construction et architectonique », in La structure dans les arts et dans les sciences (sous la direction de Gyorgy KEPES), Bruxelles, éd. de la Connaissance, 1967, p.89-96.

-Gottfried SEMPER, Du style et de l'architecture. Écrits, 1834-1869, éd. Parenthèses, Collection Eupalinos, Marseille, 2007. En particulier les chapitres: 'Conférences de Londres. Le développement du mur et la construction murale dans l'Antiquité.' Et: 'L'Art textile'.

-Michel SERRES, -Hermès 4, La Distribution, éd. de Minuit, Paris, 1977

-Hermès 5, Le passage du Nord-Ouest, éd. de Minuit, Paris, 1980

- Gilbert SIMONDON, Du mode d'existence des objets techniques , Paris, Aubier, coll. L'invention philosophique, 1989 (rééd.)

-Livio VACCHINI, Capolavori, Chefs-d’œuvre, éd. Du Linteau, Paris,

-Thierry VERDIER, Guide pour la rédaction du mémoire en architecture, Montpellier, Editions de l'Espérou, 2009

-Wilhelm WORRINGER, -L’art gothique, NRF, éd. Gallimard, Paris, 1943,

-Abstraction et Einfühlung, éd. Klincksieck, Paris, 1978,

-Psychologie de l’architecture, éd. Carré, coll. Art et esthétique, 1996.