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  • S7-S1 PREPARATION A LA RECHERCHE

DE 4 : Architecture, technique, production - Adrien Durrmeyer, Mario Poirier, Camille Bidaud

Semestre 7

Enseignant(s) : Bruno Thomas, Mario Poirier, Adrien Durrmeyer, Sabine Moscati, Camille Bidaud

  • Année : 4
  • Semestre : 7
  • E.C.T.S : 7
  • Coefficient : 8,00
  • Compensable : oui
  • Stage : non
  • Session de rattrapage : oui
  • Mode : option
  • Affilié à un groupe : non

Objectifs pédagogiques

Disons-le d’emblée : notre manière de produire n’est pas soutenable. Notre système productif épuise les ressources naturelles ; il crée, perpétue et amplifie des inégalités économiques, sociales et politiques inouïes ; il est directement responsable d’un écocide massif. Les conditions d’habitabilité sur la planète pour les humains (et plus généralement le vivant) ne sont pas garanties à moyen terme. Ce constat, quasi-unanimement partagé, nous oblige à agir.

 

Pour que cette action s’avère efficace, il convient de bien la cibler. En l’occurrence, ne pas seulement s’attaquer aux conséquences, mais en priorité aux causes de cette catastrophe. Ces causes, que l’on ne nomme généralement pas dans les ENSA, nous les connaissons pourtant toutes et tous ; ce sont les structures mêmes de la société dans laquelle nous vivons : celles du capitalisme néolibéral. La contradiction fondamentale de ce mode de production a déjà été formulée, étudiée et présentée depuis presque deux siècles maintenant, et elle s’énonce

simplement : il ne peut y avoir de croissance infinie dans un monde fini.

 

Face à cela, que peut l’architecture ? C’est ce que nous tenterons d’explorer dans de ce séminaire. Nous le ferons à partir de deux postulats :

 

1. L’architecture ne construit pas seulement des bâtiments ; elle construit un nouvel ordre du monde. Les architectes n’ont cessé, au cours de l’histoire, de concevoir, dessiner et édifier des alternatives radicales à l’ordre existant. Un projet d’architecture constitue une critique du contexte contemporain : il transforme aussi bien son environnement, son système économique, sa structure politique, le mode de vie de ses habitant·es, etc. Bref, l’architecture a la capacité de transformer notre système productif dans son ensemble.

 

2. Il nous faut redéfinir la place de la technique dans notre système productif, et plus généralement dans notre société. Le pouvoir de la technique est double : livrée aux seules lois du marché et de la science, la technique se révèle une force destructrice pour l’ensemble du vivant ; encadrée par des impératifs éthiques et écologiques, la technique constitue une enveloppe protectrice indispensable au développement de l’humanité. L’architecture est la discipline sur laquelle repose un tel arraisonnement de la technique.

 

Ces deux principes devraient nous permettre d’échapper à l’anxiété délétère dans laquelle nous plonge la contradiction du discours dominant : reconnaissance de la destruction d’une part, aveu de l’impossibilité à l’éviter de l’autre. Or, si la catastrophe est bien réelle, notre capacité collective à la conjurer l’est tout autant. C’est même pour développer et inventer des outils capables de construire un monde durable que la plupart d’entre vous ont entamé des études d’architecture. Ce séminaire propose d’être le lieu de fabrication de tels outils pratiques et théoriques.

 

Plus concrètement, le séminaire est un lieu de formation à la recherche et d’apprentissage thématique. Via la formation à la recherche, il vise à apprendre aux étudiant·es à se renseigner,

analyser et produire des données étayées et rigoureuses à travers la production d’un mémoire écrit et illustré correspondants aux standards de la recherche scientifique.

Contenu

Les sujets développés par les étudiant·es dans ce séminaire auront donc à se positionner sur une question contemporaine fondamentale : celle du rapport des architectes à la production de bâtiments. Il s’agira d’éviter a priori deux écueils :

 

• Le premier est celui d’une croyance cornucopienne dans les capacités de la technique ; c’est-à-dire de croire que le progrès technique trouvera, par lui-même, les solutions aux problèmes posés par notre système productif. D’une part, de telles solutions miraculeuses n’ont jamais existé historiquement à l’échelle macroscopique ; d’autre part, c’est là faire un pari hautement risqué, son enjeu n’étant rien d’autre que la survie, sur notre Terre, de l’humanité en particulier et du vivant en général.

 

• Le deuxième écueil est celui de l’abandon, c’est-à-dire le refus d’une participation à la production bâtie. À l’évidence, ce n’est pas parce que les architectes ne construiraient plus qu’il n’y aurait plus de constructions. Désinvestir la production bâtie reviendrait à la confier intégralement à une logique économique de seule rentabilité financière – logique dont on connait bien les conséquences désastreuses sur le projet comme sur l’environnement.

 

Nous tenterons donc de nous maintenir entre ces deux pôles délétères, et de nous engager dans une voie à la fois plus ambitieuse et plus pragmatique : concevoir le projet architectural comme opérateur d’une critique interne à l’appareil productif contemporain. Pour le dire autrement, les mémoires élaborés au long de ce séminaire exploreront les potentialités de l’architecture pour transformer nos manières de produire et de construire, nos modes de vie, notre système politico-économique, nos relations aux milieux... tout ce qui pourra constituer une action concrète pour l’édification d’un mode de production soutenable et désirable.

 

Pour ce faire, ce séminaire demandera un double travail à ses participant·es. Premièrement un travail sur le fond, par la constitution d’un corpus explorant les formes de pensées radicales développées, au cours du temps, par des auteurs et autrices en lien avec l’architecture. Individuellement, les étudiant·es édifieront un savoir personnel en rapport avec le sujet développé au travers du mémoire. Ce séminaire vise à accompagner les étudiant·es dans la construction d’une théorie critique, c’est-à-dire que leur mémoire soit l’occasion d’une remise en question fondamentale des structures qui nous entourent. Selon la formule de Max Horkheimer, il s’agit par-là de tenter de « libérer les êtres humains des circonstances qui les asservissent ».

Deuxièmement, un travail sur la forme, par l’exploration de méthodes d’investigation, systèmes d’écriture, expériences de représentation. Il s’agit, pour les étudiant·es, de concevoir leurs mémoires comme des propositions capables d’infléchir le réel, soit en tant que production technique. Nous essaierons de déterminer dans quelle mesure une réflexion également portée sur le mémoire en tant qu’objet sera en capacité d’affecter plus profondément encore son lectorat.

Bibliographie

ADORNO (Theodor W.) et HORCKHEIMER (Max), La Dialectique de la Raison. Fragments philosophiques, Gallimard, Paris, 1983.

 

ALBERTI (Leon Battista), L’art d’édifier, Seuil, Paris, 2004. Texte traduit, présenté et annoté par CAYE (Pierre) et CHOAY (Françoise).

 

ANDERS (Günther), L'Obsolescence de l'homme. Sur l'âme à l'époque de la deuxième révolution industrielle. Tome I, Encyclopédie des Nuisances, Paris, 2002.

 

ANDERS (Günther), L'Obsolescence de l'homme. Sur la destruction de la vie à l'époque de la troisième révolution industrielle. Tome 2, Fario, Paris, 2012.

 

AUDIER (Serge), Néo-libéralisme(s). Une archéologie intellectuelle, Grasset, Paris, 2012.

 

AURELI (Pier Vittorio), The Possibility of an Absolute Architecture, MIT Press, Cambridge, 2011.

 

AURELI (Pier Vittorio), The City as a Project. Ruby Press, Berlin, 2013.

 

BANHAM (Reyner), L’architecture de l’environnement bien tempéré, HYX, Orléans, 2011.

 

BAUDRILLARD (Jean), Le système des objets. Gallimard, coll. Tel, Paris, 2016.

 

BIHOUIX (Philippe), L'Âge des low tech. Vers une civilisation techniquement soutenable, Points, Paris, 2021.

 

BONNEUIL (Christophe) et FRESSOZ (Jean-Baptiste), L'événement Anthropocène. La Terre, l'histoire et nous, Points, Paris, 2016.

 

BOURGUIGNON (Lydia et Claude), Manifeste pour une agriculture durable, Actes Sud, Arles, 2017.

 

BRAUDEL (Fernand), Civilisation matérielle, économie et capitalisme. Les structures du quotidien. Tome 1, Armand Colin, Malakoff, 2022.

 

BRAUDEL (Fernand), Civilisation matérielle, économie et capitalisme. Les jeux de l’échange. Tome 2, Armand Colin, Malakoff, 2022.

 

BRAUDEL (Fernand), Civilisation matérielle, économie et capitalisme. Le temps du monde. Tome 3, Armand Colin, Malakoff, 2022.

 

BRANZI (Andrea), No-Stop City : Archizoom Associati. HYX, Orléans, 2006.

 

CASTORIADIS (Cornelius), L'institution imaginaire de la société, Seuil, Paris, 1999.

 

CAYE (Pierre), Critique de la destruction créatrice. Production et humanisme, Belles Lettres, Paris, 2015.

 

CAYE (Pierre), Durer. Éléments pour la transformation du système productif, Belles Lettres, Paris, 2020.

 

CHAMAYOU (Grégoire), La société ingouvernable. Une généalogie du libéralisme autoritaire, La fabrique, Paris, 2018.

 

CRARY (Jonathan), 24/7. Le capitalisme à l’assaut du sommeil, La Découverte, Paris, 2016.

 

DENEAULT (Alain), L’économie de la nature, LUX, 2 Montréal, 019.

 

DELEUZE (Gilles) et GUATTARI (Félix), L'Anti-Œdipe. Capitalisme et schizophrénie. Tome 1, Éditions de Minuit, Paris, 1972.

 

DELEUZE (Gilles) et GUATTARI (Félix), Mille plateaux. Capitalisme et schizophrénie. Tome 2, Éditions de Minuit, Paris, 1972.

 

DEPLAZES (Andrea), Construire l’architecture, du matériau brut à l’édifice. Birkhaüser, Berlin, 2008.

 

DURAND (Cédric), Technoféodalisme. Critique de l’économie numérique, Zones, Paris, 2020.

 

ECO (Umberto), L’œuvre ouverte. Seuil, coll. Points Essais, Paris, 2015.

 

FRESSOZ (Jean-Baptiste), L'apocalypse joyeuse. Une histoire du risque technologique, Points, Paris, 2020.

 

FRESSOZ (Jean-Baptiste), GRABER (Frédéric), LOCHER (Fabien) et QUENET (Grégory), Introduction à l'histoire environnementale, La Découverte, Paris, 2014.

 

GALLUZZO (Anthony), La fabrique du consommateur. Une histoire de la société marchande, Zones, Paris, 2020.

 

GARCIA (Tristan), Forme et objet - Un traité des choses. PUF, Paris, 2011.

 

GEORGES (Mathieu Delorme et Arthur Poiret), (ROLLOT Matthias), dir, L’hypothèse collaborative, Hyperville, Paris, 2018.

 

GIEDION (Siegfried), La mécanisation au pouvoir. Contribution à l'Histoire anonyme, Centre Georges Pompidou, Paris, 1980.

 

GORZ (André), Métamorphoses du travail. Critique de la raison économique, Folio, Paris, 2004.

 

GORZ (André), Écologica, Galilée, Paris, 2007.

 

GUILLIBERT (Paul), Terre et capital. Pour un communisme du vivant, Éditions Amsterdam, Paris, 2021.

 

HACHE (Émilie), Ce à quoi nous tenons. Proposition pour une écologie pragmatique, La Découverte, Paris, 2019.

 

HARVEY (David), Les limites du capital, Éditions Amsterdam, Paris, 2020.

 

HILBERSEIMER (Ludwig), Metropolisarchitecture and Selected Essays. GSAPP Books, New York, 2012.

 

ILLICH (Ivan), La convivialité. Seuil, coll. Points Essais, Paris, 2014.

 

JÜNGER (Ernst), L’État universel, suivi de La mobilisation totale, Gallimard coll. Tel, Paris, 1990.

 

JÜNGER (Friedrich-Georg), La Perfection de la technique, Allia, Paris, 2018.

 

KEUCHEYAN (Razmig), Les besoins artificiels. Comment sortir du consumérisme, Zones, Paris, 2019.

 

LEFEBVRE (Henri), La production de l'espace, Economica, Paris, 2000.

 

LEROI-GOURHAN (André), Le Geste et la parole. Technique et langage. Tome 1, Albin Michel, Paris, 2022.

 

LEROI-GOURHAN (André), Le Geste et la parole. La mémoire et les rythmes. Tome 2, Albin Michel, Paris, 2022.

 

LÉVI-STRAUSS (Claude), La Pensée sauvage, Pocket, Paris, 1980.

 

LINHART (Robert), L’Établi, Éditions de Minuit, Paris, 1981.

 

LOOS (Adolf), Ornement et crime. Rivages, coll. Rivages poche / Petite Bibliothèque, Paris, 2003.

 

LORDON (Frédéric), Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, La fabrique, Paris, 2010.

 

LORDON (Frédéric), Figures du communisme, La fabrique, Paris, 2021.

 

LUCAN (Jacques), Composition, non-composition : Architecture et théories, XIXe et XXe siècles. PPUR, Lausanne, 2009.

 

LUCBERT (Sandra), Personne ne sort les fusils, Points, Paris, 2021.

 

LUCBERT (Sandra), Le ministère des contes publics, Verdier, Lagrasse, 2021.

 

MALM (Andreas), L’anthropocène contre l’histoire. Le réchauffement climatique à l’ère du capital, La fabrique, 2 Paris, 017.

 

MALM (Andreas), La chauve-souris et le capital. Stratégie pour l'urgence chronique, La fabrique, Paris, 2020.

 

MALM (Andreas), Comment saboter un pipeline, La fabrique, Paris, 2020.

 

MANIAQUE (Caroline), L'aventure du Whole Earth Catalog, Les productions du Effa, Paris, 2021.

 

MARI (Enzo), Autoprogettazione ? Corraini, Mantoue, 2014.

 

MAROT (Sébastien), L’art de la mémoire, le territoire et l’architecture. Éditions de la Villette, Paris, 2010.

 

MARX (Karl), Le Capital. Livre 1, Folio, Paris, 2008.

 

MEADOWS (Dennis), MEADOWS (Donella) et RANDERS (Jorgen), Les limites à la croissance (dans un monde fini), Éditions Rue de l’échiquier, Paris, 2022.

 

PEREC (Georges), L’infra-ordinaire, Seuil, coll. Librairie du XXIe siècle, Paris, 1989.

 

PESTRE (Dominique) (sous la direction de.) et VAN DAMME (Stéphane) (tome dirigé par.), Histoire des sciences et des savoirs. De la Renaissance aux Lumières. Tome 1, Points, Paris, 2019.

 

PESTRE (Dominique) (sous la direction de.), RAJ (Kapil) et SIBUM (Heinz Otto) (tome dirigé par.), Histoire des sciences et des savoirs. Modernité et globalisation. Tome 2, Points, Paris, 2019.

 

PESTRE (Dominique) (sous la direction de.), BONNEUIL (Christophe) et PESTRE (Dominique) (tome dirigé par.), Histoire des sciences et des savoirs. Le siècle des technosciences. Tome 3, Points, Paris, 2019.

 

PICON (Antoine) (sous la direction de), L’art de l’ingénieur. Constructeur, entrepreneur, inventeur, Éditions du Centre Pompidou, Paris, 1999.

 

POLANYI (Karl), La Grande Transformation. Aux origines politiques et économiques de notre temps, Gallimard, coll. Tel, Paris, 2009.

 

RANCIÈRE, Jacques, La Mésentente. Politique et philosophie, Galilée, Paris, 1995.

 

REVEDIN (Jana), L'architecte et l'existant. Construire avec ce qui est déjà là, Gallimard, Paris, 2022.

 

REVEDIN (Jana), La ville rebelle - Démocratiser le projet urbain, Alternatives, Paris, 2015.

 

ROTOR, Déconstruction et réemploi, Bruxelles, Presses polytechniques universitaires romandes, 2020.

 

SCOTT (James C.), Homo Domesticus. Une histoire profonde des premiers États, La Découverte, Paris, 2019.

 

SIMONDON (Gilbert), Du mode d'existence des objets techniques, Aubier, coll. Philosophie, Paris, 2012.

 

THOMPSON (Edward P.), Temps, discipline du travail et capitalisme industriel, La fabrique, Paris, 2004.