« Les arbres coloniaires 1, sont « des êtres collectifs ».
Chaque branche de l’arbre, un peu comme pour les colonies coralliennes, peut posséder son propre génome. Comprendre la nature coloniaire de l’arbre, c’est une révolution intellectuelle. Il faut imaginer un être à la fois unique et pluriel, une ambivalence qui n’a pas fini de nous surprendre » Francis Hallé.
Une longue tradition philosophique occidentale a progressivement dématérialisé notre insertion au sein de notre milieu vivant, alors même que la relation que nous entretenons avec lui est une condition vitale dont la pérennité est aujourd’hui mise à mal. Cette pensée s’est construite comme une mise à distance avec le monde dans lequel nous sommes insérés, devenu une « nature » distincte de la « culture ». Au travers du projet de cet intensif, il s’agit de reprendre le concept de « diplomatie » évoqué par Baptiste Morizot, avec l’action de « s’enforester ».
1.S’ENFORESTER
Une première partie de l’intensif invite les étudiants à « s’enforester » dans la forêt de Fontainebleau.
De son séjour dans la dernière forêt primaire tempérée d’Europe Bialowieza située en Pologne à la frontière Biélorusse, Baptiste Morizot rapporte cette notion de s’enforester. Les habitants des alentours de la forêt l’évoquent comme un bloc de végétation difficilement pénétrable. Le mot polonais forêt « puszca » comporte la notion de forêt-jungle pour exprimer la densité végétale. Cette étude sémantique conduite par le philosophe sur les lieux de la forêt en contact avec ces habitants, dénoue la complexité des relations que l’homme entretient avec cette forêt. En particulier avec la partie de cette forêt laissée en libre évolution peu accessible et lisible qui génère des langages et des traductions pour la formuler. L’enseignement s’intéresse à l’exploration des lieux encore en dehors de modes de lectures et de repérages notamment pour explorer des moyens de représentation de contextes densément maillés. En apparence, la forêt de Fontainebleau n’a rien de comparable à celle de Bialowieza. Elle est historiquement transformée par l’usage de l’homme. Cependant, à l’intérieur de ses découpages par des voies de traverses, son ordonnance et sa gestion séquencées en parcelles, il persiste une forme de mystère qui fait écho à la forêt de Bialowieza. Ces ilots boisés coloniaires sont couverts par les houppiers en été ou par l’entrelacement des branches qui rendent difficiles la lecture des images satellitaires et le décryptage de ses constituants. La randonnée proposée aux étudiants pendant le temps d’une journée permet d’aller à leurs rencontres et de découvrir la diversité des sols, des arbres, des roches pour, dans un deuxième temps en faire le récit.
Se déplacer en forêt soulève la question de l’orientation et comment en mobilisant plusieurs moyens, la carte IGN, l’application visio-rando, l’intuition et le désir d’explorer, les groupes d’étudiants vont tracer une trajectoire qui associe chemins existants et l’ouverture de nouvelles voies. Les étudiants sont invités à documenter avec des croquis, un regard photographique, vidéo, des enregistrements sonores et autres prises de notes, toutes sortes de collectes issues de leurs expériences de l’environnement de la forêt. La relation sensible, sensitive émotionnelle, personnelle et collective est également une matière ressource pour irriguer la formulation d’imaginaires. La seconde étape de l’intensif apporte des moyens pour traduire l’ensemble des phénomènes, expériences et collectes en récits artistiques et ou pluridisciplinaires.
Détails pratiques : L’Accès depuis Paris est aisé par la gare de Lyon, RER, arrêt Bois le Roi.
Des précisions concernant la logistique pour effectuer la randonnée.
Equipement : chaussure de marche – sport étanche – des vêtements chauds : bonnet, gant, grosse chaussette de rechange, vêtements de pluie genre cape de pluie, petit sac à dos.
1 litre d’eau ou boisson chaude thermos
Un pique-nique et de quoi grignoter bar chocolaté ou autre
Matériels artistiques archi paysage – le kit du créateur, carnets, tous matériels nécessaire pour dessiner peindre de votre choix, merci d’anticiper la réservation auprès du laboratoire photo pour vos appareils photos vidéo, ronin ( support vidéo), zoom (enregistreur).
2.CREER UN RECIT VISUEL– Explorer les représentations.
La deuxième partie de l’intensif se déroule à l’école. Elle propose de faire un récit ou de dépeindre l’environnement de la forêt exploré. Ces temps de productions sont rythmés par la présentation de plusieurs documents pédagogiques apportant un éclairage sur l’histoire de la forêt et sa relation avec l’histoire de la peinture. Ils apporteront également des outils et des protocoles de production de l’image tirés des pratiques d’artistes, de botanistes, de paysagistes. En mobilisant le geste artistique, l’étudiant problématise son rapport et son interaction avec l’environnement sylvestre. Au fur et à mesure de la construction de l’image s’élabore une pensée articule le récit sensible de l’expérience.
Les étapes de mise en œuvre :
- Une première étape consiste à construire les images en déposer toutes les collectes de l’expérience de la forêt sous la forme d’un grand cabinet de curiosité. Avec la manipulation des objets collectés (dessins, photos, choses et matières, sons, vidéos), composer dans l’espace de la salle de travail des installations ou accrochages qui explorent plusieurs sens de lectures et de récits. Chaque proposition est documentée par une photo. Ces propositions sont les prémices d’une composition de l’image et elles font émerger des stratégies de la représentation de la randonné et de ses contextes qui construisent des récits visuels.
- L’étape deux questionne comment mettre en œuvre le récit en considérant les talents de l’étudiants ou du groupe d’étudiants, le temps restant pour la réalisation et les conditions de faisabilité pour conduire et valoriser au mieux le projet. Cette construction de l’organisation de travail articule des qualités d’efficacité et d’adaptabilité à mettre en œuvre face aux inconnus inhérente à la réalisation. Les méthodes développées à partir des idées des étudiants croisés avec les sources d’inspiration des pratiques artistiques et d’autres disciplines. Ces divers aspects de cette étape dessinent et annoncent les modes de présentation et de partage du travail de la fin de l’intensif.
- L’étape 3 est un temps dédié à la présentation organisée sous la forme de débats d’idées.
Lexique : Les arbres à stratégie coloniaire augmentent leur volume en dupliquant plusieurs fois leur propre architecture (soit x répliques du 1er modèle tronc et houppier). Ainsi, le tronc d’origine et les troncs réitérés forment l’architecture définitive de l’arbre. Francis Hallé, extrait du livre Plaidoyer pour l’arbre, Éditions Actes Sud, 2005.
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